Analyse
de la deuxième section
du
livre de Hume ‘Enquête sur l’entendement humain’
intitulée :
ORIGINE DES IDÉES
REMARQUE :
La traduction prise à l’appui est celle d’André Leroy
Édition Flammarion
1983
Plan
de la sectionde
I. Les perceptions de l’esprit se divisent en deux classes : les
impressions et les idées.
[Chacun accordera (p63) → je viens de citer (p64)]
II. Le
pouvoir créateur de l’esprit est limité par ce que procure l’expérience.
1. La pensée humaine
semble illimitée
[Rien à première (p64) → une absolue contradiction (p65)]
2. La pensée humaine est en réalité bornée par la
sensibilité.
[Mais bien que (p65) → perceptions plus vives (p65)]
III. les arguments qui prouvent cette thèse.
1. Il est absolument impossible aux idées de
naître indépendamment
des impressions qui leur correspondent.
[Pour le prouver (p65) → qui y correspond (p66)]
2. Chaque individu privé de l’un de ses sens ne
peut jamais formuler les sensations qui le correspondent.
[Deuxièmement s’il arrive (p66) → notre maxime générale (p67)]
IV. Avantages de l’empirisme
[Voici donc une proposition (p67) → la fin de la section (p68)]
ANALYSE
DE LA SECTION
I. Les perceptions de l’esprit de divisent en deux classes : les
impressions et les idées.
Le fondement de la vie mentale
pour Hume c’est l’expérience. C’est à partir de l’expérience que se
forment les impressions et à partir des impressions que se forment les idées.
Expérience → Impressions
(externes+internes) → Idées (souvenirs+idées imaginaires)
Impressions + idées → Les perceptions de l’esprit
Comment Hume définit ces deux termes :
Impressions et Idées ? Et quel est le critère de la distinction ?
Premièrement les idées viennent chronologiquement après
les impressions, deuxièmement elles sont qualitativement moins
fortes, moins vives que les premières.
Parce que les impressions sont issues de l’expérience,
elles sont vives. En revanche, les idées sont ternes parce qu’elles sont des
perceptions dérivées des impressions. Hume dit à la page
64 « Par le terme impression, j’entends donc toutes
nos plus vives perceptions quand nous entendons, voyons, touchons, aimons,
haïssons, désirons ou voulons », et il dit plus haut à propos des
perceptions « les moins fortes et moins vives sont communément nommés
pensées ou idées ». La définition de l’impression dans le «Traité de la
nature humaine » est suivante « les perceptions qui entrent avec
le plus de force et de violence, nous pouvons les nommer impressions, et sous
ce terme, je comprends toutes nos sensations, passions et émotions. Telles
qu’elles font leur apparition dans l’âme ». Et à propos de l’idée, il dit
dans le même livre « par idées, j’entends les images affaiblies des
impressions dans la pensée et le raisonnement. Telles sont, par exemple toutes
les perceptions excitées par le présent discours à l’exception seulement de
celles qui proviennent de la vue et du toucher, et à l’exception du plaisir
immédiat ou du désagrément qu’il peut occasionner ». Cela signifie que
toutes les fois que nous éloignons de réel nous irons vers l’obscurité. On peut
dire que Hume, s’oppose totalement à Platon pour qui l’idée reste l’origine et
le modèle de la clarté. Avec Hume l’idée se dégrade, elle n’est plus l’origine.
Elle est dérivée et en plus elle est terne. Hume utilise le mot
« inférieure » pour caractériser cette dégradation. Il dit à la page
63 « la pensée la plus vive est encore inférieure à la sensation la plus
terne ». Il est claire que Hume suggère ici la notion de valeur.
Deux remarques concernant la notion
d’impression :
*La première remarque :La
notion d’impression n’est pas adéquate avec la notion de sensation. Pour Hume
les impressions englobent les sensations et les dépassent. Elle est aussi une
activité psychique comme le sentiment d’amour, de haine, de colère… à condition
que ces sentiments soient issus de l’expérience sinon ils seront des idées.
Voyons un exemple : Les beaux paysages peuvent nous procurer un sentiment
de la beauté. La faim peut nous procurer un sentiment de la douleur. Ces
sentiments sont des impressions et ils ne sont pas des idées. Donc Hume entend
le mot « impression » dans un sens large : elle désigne pour
lui : sensation, passion, émotions, sensations…
*La deuxième remarque : La notion d’impression n’est pas regardée en
tant que fondement de l’idée. Hume parle d’un autre genre d’impression. Il les
appelle « les impressions de réflexions » qui sont dérivées des
idées. Il dit dans le «Traité de la nature humaine » (1er livre,
1ere partie, 1ere section) « une impression frappe d’abord nos sens et
nous fait percevoir du chaud ou du froid, le soif ou la faim, le plaisir ou la
douleur, d’un genre ou d’un autre. De cette impression, l’esprit fait une copie
qui reste après la disparition de l’impression ; c’est ce que nous
appelons une idée. Cette idée de plaisir ou de douleur, quand elle revient dans
l’âme, produit de nouvelles impressions de désir ou d’aversion, d’espérance ou
de crainte, qu’on peut proprement appeler impressions de réflexion, parce
qu’elles en dérivent ». Donc nous pouvons dire que les impressions de
réflexion sont au fond des idées mais des idées dérivées d’autres idées
dérivées.
Une remarque concernant la notion d’idée :
L’étude de l’idée évoque le problème suivant :
d’une part nous regardons l’idée comme un produit propre à l’entendement et
d’autre part comme dérivée des impressions qui sont-elles mêmes issues de
l’expérience, donc du réel. Cette situation de l’idée pose le problème du
rapport de l’entendement au réel.
Est-ce-que les opérations de la pensée, se
règlent-elles sur le réel ? Comment fonctionne l’entendement ?
II. Le pouvoir créateur de l’esprit est limité par ce que procure
l’expérience
1. La pensée humaine semble illimitée
Hume dit à la page 64 « Rien, à
première vue ne peut paraître plus libre que la pensée humaine, qui
non seulement échappe à toute autorité et à tout pouvoir humain, mais qui ne
contiennent même pas les limites de la nature et la réalité ». Ici la
pensée de l’homme à savoir l’activité mentale de l’esprit du sujet, se trouve
d’emblée analysée et mise en cause. Car l’organisation et les liaisons des
sensations impliquent l’idée d’une pensée agissant sur un ensemble de
représentations et les combinant.
Or en première apparence nous dit Hume, cette activité
de combinaison et d’organisation mentale, semble dénué de toute limite. Le
limité c’est ce qui désigne la réalité marquée par des bornes,
tandis que l’illimité correspond à ce qui échappe aux bornes et s’étend selon
une progression indéfinie. Il y a là une fondamentale distinction entre le
limité et l’illimité.
Pourquoi la pensée humaine paraît-elle
illimitée ?
Hume fournit ici deux arguments :
-D’une part la pensée humaine est une activité de
défi, témoignant d’une mise en question radicale de toute autorité humaine.
-D’autre part la pensée humaine transcende les bornes,
les limites de la nature c’est-à-dire l’ensemble de tout ce qu’est donné et
imposé à nous par les sens.
Il y a là un double argument qui paraît important.
Cette faculté qui est la pensée essaie de s’affranchir de tout. Elle défie,
c'est-à-dire refuse de s’incliner devant quoi que ce soit, autorité, pouvoir…
et d’autre part, la pensée n’est jamais limitée par le réel.
Pour soutenir l’argumentation Hume nous fournit un
exemple tiré de l’imagination. Pour Hume l’imagination est la faculté humaine
de former les représentations sensibles. Une puissance d’invention
et d’artifice qui crée sans difficultés, des monstres, des êtres fantastiques
et invente également des formes, des organisations discordantes, sans nul
accord et harmonie.
Donc l’imagination est bel et bien capable de franchir
les limites de ce qui est donné, de créer d’étranges artifices sans nul rapport
avec la réalité.
En conclusion nous pouvons dire qu’en dehors des
affirmations contradictoires, la pensée peut s’élancer dans tous les champs et
s’emparer de tout. Donc elle semble illimitée. Pourtant la seconde sous-partie
va démontrer le contraire.
2. La pensée humaine est en réalité bornée par la
sensibilité
Dans cette deuxième sous-partie Hume développe l’idée
que la pensée est en réalité bornée par la sensibilité. Les termes de sens et
d’expérience jouent un rôle important. Le premier (c'est-à-dire le terme sens)
renvoie à cette fonction nous permettant d’éprouver des sensations diverses
(exemple La vision), le second (qui est le terme d’expérience) désigne la
totalité de l’émergence des phénomènes, en quelque sorte l’a postériori de
notre pensée.
Il ne faut pas s’illusionner sur les capacités de
notre pensée. La liberté de notre pensée est en fait resserrée dans des limites fort étroites, bornée de
manière précise. Le pouvoir créateur de l’esprit humain, se ramène en réalité à
tout autre chose : à une activité de combinaison de données que nous
fournissent les fonctions sensibles diverses et d’autres part les phénomènes
globaux. Ainsi, la seule possibilité que nous est laissée est de combiner,
d’accroître ou diminuer les données des sens. Notre capacité de création à
partir de rien se trouve alors fort réduite. Pour défendre cette thèse, Hume
propose l’exemple de la montagne d’or. Ici une étrange association entre deux
faits naturels qui semblent bizarrement accouplés, le matériau
précieux propice à faire des bijoux et l’élévation de forte altitude. Est-ce
que cette idée semble une idée étrange au réel ? Erreur, répond Hume. Pour
lui, quand nous pensons une montagne d’or, c'est-à-dire exerçons une activité
psychique comportant ces deux notions bizarrement assemblées, nous ne faisons
que réunir deux copies des impressions sensibles, pouvant unifier et présenter
entre elles un accord, c'est-à-dire une harmonie et une conformité. Ces deux
idées nous étaient déjà familières : elles faisaient partie de notre
esprit, elles l’habitaient.
A la fin de cette affirmation, Hume avance une phrase
comme « un bilan-conclusion » de tout le passage. Il dit à la page 65
« tout les matériaux de la pensée sont tirés de nos sens, externes ou
internes, c’est seulement leur mélange et leur composition qui dépendent de
l’esprit et de la volonté ». Cela signifie que toutes les diverses
matières nécessaires à la construction de l’activité mentale de l’homme ont
pour origine la sensibilité interne ou externe, dans le fait de recevoir des
excitations, dans le fait d’être doué de sensations internes (celles de notre
corps) ou externes (renvoyant à l’ensemble du monde). Pour prouver cette thèse
Hume avance deux arguments.
III-Les deux arguments qui prouvent cette thèse
1. Le premier argument
Le premier argument affirme qu’il est absolument
impossible aux idées de naître indépendamment des impressions qui leur
correspondent. Et ceux qui nient cette affirmation doivent nous apporter l’idée
qui à leur avis ne procède pas de l’expérience.
Hume nous donne comme exemple l’idée de Dieu. Pour lui
l’idée de Dieu est une invention de l’esprit quand il augmente sans limites les
qualités positives telles que la bonté, la sagesse, l’intelligence. Cette idée
représente une critique de tout innéisme et surtout l’innéisme de Descartes
pour qui l’idée de Dieu est une idée innée.
2. Le deuxième argument
Chaque individu privé de l’un de ses sens ne peut
jamais formuler les sensations qui le correspondent. Pour expliquer cet
argument prenons l’hypothèse suivante : Supposons que nous voulons
inculquer l’idée de la blancheur à un individu qui est né aveugle. Pouvons-nous
arriver à cette fin? Il nous est impossible de lui faire connaître cette
couleur. Il restera à jamais privé de cette idée et de toutes les idées qui se
rapportent de prés ou de loin à l’idée de blancheur. Quelles idées lui viennent
à l’esprit si nous lui décrivons une robe flamboyante ou un tableau orné ?
Absolument rien.
Les exemples que cite Hume sont de l’ordre de
cinq :
1. Un aveugle ne peut former aucune notion de couleur.
2. Un sourd ne peut former aucune notion de son.
3. Un nègre n’a aucune notion de la saveur du vin.
4. Un homme de mœurs douces ne peut former aucune idée
de vengeance.
5. Un cœur égoïste ne peut aisément concevoir les sommets
de l’amitié.
Ce deuxième argument nous rappelle l’argumentation
traditionnelle développée par Aristote. Aristote dit dans les secondes
analytiques : « Si un sens vient à faire défaut, nécessairement
une science disparaît, qu’il est impossible d’acquérir ». Autrement dit,
pas d’idée sans la sensation correspondante. La maxime
scolastique « il n’y a rien dans l’intellect qui n’ait d’abord été
dans les sens ».
Est-ce que cette maxime admise par Hume admet quelque
exception ou rectification ?
La réponse de Hume est basée sur une hypothèse. Il
nous dit : Imaginez que quelqu’un qui connaît les couleurs de tout genre
sauf avec une nuance particulière du bleu. Qu’on expose devant cet homme toutes
diverses nuances de cette couleur (c'est-à-dire le bleu) à l’exception de cette
nuance particulière dans une gradation descendante de la plus foncée à la plus
claire, il percevra un vide là ou manque cette nuance. Est-ce qu’il est
possible de combler ce manque par la couleur appropriée ? Pour Hume il lui
est possible par sa seule imagination de se donner l’idée de cette nuance
particulière. Hume dit à la page 67 « les idées simples ne dérivent pas
toujours des impressions correspondantes ».
Est-ce que cette idée représente un danger à
l’empirisme ?
Pour Hume il s’agit tout simplement d’une remarque et
non d’une rectification ou d’une modification. Le cas est singulier et ne
mérite pas que l’empirisme modifie sa maxime générale.
Quels sont les avantages de l’empirisme ?
IV. Avantages de l’empirisme
Quand Hume rend l’idée à l’impression, il souligne un
fait. Mais pour Hume il ne s’agit pas de déterminer l’origine des idées mais de
poser un critère par lequel nous distinguons les idées dérivées de
l’expérience donc intelligibles et dignes de confiances, des idées égarées de
l’expérience qui ne sont que des chimères. Dire que toute idée est dérivée de
l’expérience pose un critère de vérité et non une justification de toute idée.
Ce n’est pas parce que toute idée dérivée de l’expérience que toute idée est
vraie. Ainsi tout la jargon métaphysique doit tomber en désuétude et la
philosophie sera libérée de l’obscurité des idées et de l’ambiguïté des termes.
Pour Hume toutes les fois que nous éloignons du réel, nous irons vers
l’obscurité.
La philosophie utilise beaucoup de concepts insensés,
assurément à cause de son éloignement du réel.
Quel est le critère des idées sensées et des idées
insensées ?
Le critère est la question suivante : De quelle
impression cette idée est elle issue ? Si les concepts utilisés par les
philosophes étaient sensés et claires, les recherches en philosophies auraient
pu être fructueuses. Ici Hume pose un problème qui sera une problématique
principale pour le positivisme logique.
Conclusion
Quel est l’intérêt de cette section ?
1. L’importance de l’expérience : La
position empiriste de Hume formule clairement la genèse de l’esprit à partir du
sensible. Tout le domaine des idées se trouve fondé par la sphère des
sensations. Telle est la philosophie empiriste de Hume qui a le mérite non
seulement de souligner l’importance de l’expérience dans la constitution de la
pensée, mais de dénoncer l’illusion de l’autonomie et la liberté.
2. La finitude de l’esprit humain :
La thèse de Hume a aussi l’intérêt de souligner que derrière l’apparent mouvement
illimité de l’esprit humain on découvre en fait les limites étroites de la
pensée. D’un coté, l’expérience sensible interne, avec les passions, les
sentiments… et d’autre côté l’expérience sensible externe avec les sensations
proprement dites. Cela fait beaucoup de limites à l’esprit humain, borné et
fini.
3. Hume et Kant : Hume a exercé une
influence décisive sur la philosophie de Kant. S’il existe des
limites à l’esprit humain alors la métaphysique est une illusion. Ainsi lorsque
Kant fait la critique de la métaphysique, c’est pour la rattacher à la raison
pratique et non plus théorique. Kant n’est pas empiriste mais il fait dans la
‘Critique de la raison pure’ la part belle à l’expérience.
4. La notion de nature humaine : Hume
intitule le livre qui contient ses idées maîtresses ‘Traité de la nature
humaine’. Dans quel sens utilise-t-il l’expression « nature
humaine » ? Non pas dans celui d’une essence déterminable a priori,
mais de dispositions intellectuelles et affectives qui nouent des relations
avec le réel et qui n’existent réellement et affectivement qu’après
l’expérience. Tout se fonde avec l’expérience. Une telle visée et d’un grand
intérêt sur le plan psychologique en ce qu’elle prétend exclure tout présupposé
pour se maintenir au niveau de l’expérience authentique.